mercredi 17 juillet 2013












Pour recruter le mouton à 5 pattes, il faut innover!
Par Anne Lepinay, conseil en transition de carrière [ 21/06/2013



Il faut parfois un peu d'originalité pour recruter la bonne personne au bon poste. Car céder à la faciliter conduit souvent au choix d'un clone : même formation, même expérience sectorielle, même tranche d'âge . . Dommage, si l'on veut innover et faire évoluer l’entreprise.

Choisir un profil conforme : diplôme reconnus, parcours cohérent, secteur d'origine proche . . . c'est à coup sûr, le chemin le plus cour et la solution la plus facile pour procéder à la sélection et au recrutement. La conformité du candidat, ou de la candidate, aux critères et aux compétences de la définition de poste sécurisent les décideurs, et avouons-le sans honte, simplifient le travail des DRH. Mais ce souci de conformité, voire de clonage, mène-t-il pour autant au succès ? Rien n'est moins sûr. Car au-delà d'un CV impeccable, la réussite d'un recrutement procède aussi d'une alchimie rare, pour laquelle les éléments subjectifs prennent une part bien plus importante que ce qui est généralement admis.

Pour faire progresser l'entreprise, les DRH et les décideurs ont tout intérêt à faire preuve d’ouverture d'esprit et de créativité dans l'identification de la perle rare. Pour cela, le management (futurs supérieurs hiérarchiques du candidat), la DRH, et le cas échéant le chasseur de tête, doivent se poser les bonnes questions.

1. Le candidat saura-t-il faire ?
C'est entendu, le candidat idéal doit prouver, au travers de son expérience, qu'il sera rapidement opérationnel pour la mission qui lui sera confiée. Sans aucun doute, il est difficile de prétendre à un job de Directeur Marketing dans le secteur des cosmétiques si on ne possède aucune expérience solide du marketing. Mais faut-il pour autant avoir impérativement été directeur marketing dans les cosmétiques, voir chez un concurrent ?

Frédéric, précédemment directeur commercial marketing chez un opérateur télécoms, a été jugé pertinent pour rejoindre le secteur de l'assurance. Pas grand-chose à voir à première vue ! Et pourtant, dans les deux cas, l'activité se déploie au travers d'un réseau physique d'agences sur l'ensemble du territoire. Frédéric apportait des méthodes, une approche nouvelle de l'animation du réseau dans un secteur évolutif et très concurrentiel, ce qui constituait une vraie valeur ajoutée pour l'assureur.

Repérer le bon candidat nécessite, au premier stade de la sélection des candidats, surtout de le fil rouge, le dénominateur commun des compétences qui seront transposables d'un secteur à l'autre.

 2. Le candidat est-il motivé ?
Eric, que j'ai accompagné dans sa démarche de repositionnement professionnel, avait jusqu'alors enchaîné avec succès_s des postes de direction commerciale et marketing dans le secteur de la grande consommation. Il est aujourd’hui impatient de prendre la direction d'une Business Unit complète (pays ou produit), avec l'humilité nécessaire pour réussir. Au cours de sa recherche, il a été contacté pour prendre une direction commerciale de belle envergure. Même si l'opportunité ne correspondait pas au projet qui lui tenait à cœur, elle était suffisamment attractive pour qu'Eric s'inscrive dans le processus de recrutement. En fin de compte, il n'a pas été retenu car jugé . . . surdimensionné.

La motivation est, a priori, une garantie de bon investissement du candidat dans sa prise de poste. Qui dit motivation dit challenge à relever, pour une implication à 150%. Et qui dit challenge dit marche à franchir, découverte d'une part d'inconnu. Quel est l'intérêt, pour une entreprise et pour le candidat, de prétendre refaire peu ou prou la même chose que dans son poste précédant ? Hervé, par exemple, occupe depuis quinze ans des postes de directeur commercial chez des équipementiers automobiles. Il a changé régulièrement d'entreprise dans ce même secteur et vient de prendre la direction commerciale d'un groupe qui a manqué de disparaître en 2009. Les enjeux de redressement sont énormes. Hervé est rentré dans son poste comme dans des chaussons, avec aisance et confiance. Trop peut être . . . . 

Attention donc au risque que peut représenter le choix d'un ex Directeur Général pour un poste de Directeur Général de même envergure. Le nouveau DG, certes immédiatement opérationnel, aura plus vite fait le tour de son poste, arrivera avec ses méthodes et sa vision, et ne sera peut-être pas prêt à se remettre en cause. A l'inverse, pour un membre de comité de direction à l'expérience solide et variée, enfiler le costume de DG représente forcément une évolution stimulante. le challenge peut également venir d'un changement de secteur. Comme pour Nicolas, ex Directeur Général d'un répartiteur pharmaceutique, qui a pris la direction France d'une entreprise spécialisée dans la sécurité, un secteur qui lui était totalement inconnu.


3.Le candidat saura-t-il s'intégrer, et à terme s'imposer ?
Chaque structure a sa propre culture, ses propres rites. Le DRH et le management doivent être attentifs à la capacité du candidat à s'intégrer à tous les niveaux de son futur environnement professionnel. L'environnement, c'est d'abord l'équipe que la personne va rejoindre : les pairs, les supérieurs. C'est ensuite l’équipe qu'elle a été amenée à diriger. C'est enfin plus largement le site, l'entreprise, le groupe, jusqu'au secteur d'activité. Ainsi, certaines entreprises comme Danone, PSA ou Mars possèdent des cultures maison très fortes qui ne conviennent pas à tous. La greffe n'a pas toujours pris pour des dirigeants venus de l'extérieur qui avaient pourtant brillamment réussi dans d'autre structures.

L'ouverture, la souplesse de caractère, le leadership démontrés en entretien seront des atouts infiniment plus précieux que l'énoncé stricts des faits d'armes et responsabilités assurées dans l'entreprise précédente. Caroline, DRH France au sein d'un groupe industriel international me faisait part d'une erreur de casting concernant le recrutement d'une directrice de marketing. Malgré son CV en béton, cette directrice n'a pas réussi à s'imposer au sein de son équipe, et s'est épuisée dans son poste en moins de deux ans. "Si le recrutement était à refaire, me disait Caroline, je la challengerai beaucoup plus, lors des entretiens d’embauche, sur son leadership et sur sa capacité à prendre une équipe performante constituée depuis longtemps". 

4. Le candidat est-il prêt à travailler pour moi ?
S'il n'y avait qu'une seule question à se poser pour assurer la réussite d'un recrutement en tant que manager, c'est bien celle-ci : "la préoccupation essentielle du candidat sera-t-elle de répondre à mes attentes ?". Cette question est valable pour tous les niveaux de poste à pourvoir, y compris pour un poste de directeur général qui sera recruté" par un conseil d'administration et en dernier ressort, par son président. Les attentes d'un manager vis-à-vis de son futur collaborateur peuvent revêtir toute une palette de registres : du plus formel sous forme de reporting structuré, jusqu'au registre amical, en passant par celui de la confrontation constructive. En tant que recruteur, soyez clair et sincère sur la manière dont vous souhaitez fonctionner avec votre futur collaborateur. Et challengez-le pour vérifier s'il est prêt à fonctionner avec vous sur le même registre.

Françoise, directrice de la conformité et du contrôle permanent dans une grande banque française, était clairement sur un registre affectif, et cherchait chez son adjoint une oreille attentive, avec qui elle puisse partager ses interrogations, ses doutes. Elle ne l'a pas trouvé en la personne de Robert, qui cherchait avant tout un directeur financier loyal, certes hyper compétent, certes bon manager d'équipe, mais qui ne soit pas dans la recherche de pouvoir. Il l'a trouvé en la personne d'Isabelle, qui fonctionne bien dans une positionnement type chef de cabinet.  

En conclusion : osons l'ouverture !

A l'heure où les postes sont plus rares et les candidats plus nombreux, il est évidemment plus simple pour les recruteurs de faire le tri sur des critères factuels de proximité en termes de profils recherchés. Pourtant, les comportements protectionnistes démontrent une efficacité toute relative à terme. Osons l'ouverture et la diversité, largement favorisée notamment outre-Atlantique dans les entreprises !

La confrontation avec des personnes en provenance d'horizons différents favorise la créativité. Pour cela, les recruteurs professionnels et opérationnels ont tout intérêt à prendre le temps de rencontrer les personnes qui les sollicitent par le biais des candidatures spontanées ou par le biais de leur réseau. S'il n'y a pas d’opportunité pour ces personnes à court terme, la rencontre peut s'avérer un investissement riche de promesses pour l'avenir. 




 

 








 


 




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