vendredi 28 février 2014










Les contrats de génération peinent à décoller

Depuis avril, 200 contrats ont été signés sur le département. C'est peu par rapport à l'objectif que s'est fixé le gouvernement : 75 000 d'ici la fin de l'année sur l'ensemble de l'hexagone. Lundi, le préfet relance la campagne de communication autour du dispositif.

L'objectif du Contrat de génération est double : lutter contre le chômage des jeunes et des séniors. Comment expliquer que ce dispositif peine à décoller ? Pour tenter de comprendre, retour dans l'entreprise qui a signé le premier contrat de génération du département, au Plessis-Bouchard  : 

              



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Les contrats de génération au point mort par vonews95

Pour augmenter le nombre de contrats de génération sur le Val d'Oise, l'heure est à l’explication de texte. Ce lundi 30 septembre le Préfet du Val-d'Oise exposera, avec le député maire PS de Gonesse, "les atouts de ce dispositif qui privilégie la pérennisation des savoir-faire au sein de l'entreprise et du territoire" à l'occasion de la signature des deux premiers contrats de génération de l'entreprise Magnum à Gonesse, société de location de matériel de sonorisation, d'éclairage et de distribution électrique pour tout type d'évènements.







samedi 22 février 2014











                 Les apprentis laissent béton
Véronique Soulé . www.libération.fr

Faute de trouver un patron prêt à les accueillir, beaucoup de jeunes renoncent à une formation en alternance. Ou veulent partir à l'étranger.

"En cinq ans,entre 2008 et 2012, nous avons perdu 15% des effectifs dans nos centres de formation des apprentis [les CFA,ndlr]. Il y a toujours autant de jeunes qui se présentent,mais ils ne trouvent pas d'employeurs pour les prendre en apprentissage et signer des contrats. Ils doivent alors renoncer." Daniel Munoz est responsable de la formation dans le premier réseau national d'apprentissage en France, qui opère dans le bâtiment et les travaux publics (1). Alors que le gouvernement veut atteindre les 500 000 apprentis en 2017, il s’inquiète des blocages, à commencer par la frilosité des entreprises. Voie de formation alternative à l'enseignement classique, l'apprentissage, est dans une situation paradoxale. 

Aides. Côté pile, il a le vent en poupe : pouvoir se former en touchant un salaire et en ayant souvent de meilleures chances d'insertion professionnelle séduit de plus en plus en ces temps de crise et de chômage massif des jeunes. Dans l'enseignement supérieur notamment, la formule a sensiblement progressé ces dernières années, d'abord dans les grandes écoles, puis à l'université. Côté face, il devient de plus en plus difficile, dans pratiquement tous les secteurs, de trouver des employeurs prêts à accueillir des apprentis. L'entreprise a beau recevoir des aides, elle y cherche son intérêt. Or, a quoi bon prendre un jeune et lui affecter un tuteur qui va prendre du temps pour le former s'il n'y a aucune perspective d'embauche à l'issue de son contrat ? 

Régulièrement, des jeunes qui veulent devenir maçons, esthéticiennes, éducateurs ou éducatrices de jeunes enfants se plaignent de trouver partout porte close. Ils se replient alors sur une formation classique, sans l’alternance entre périodes de cours et de travail qui, souvent leur permettait de remettre le pied à l'étrier après des échecs scolaires à la chaîne. Ou alors ils s’inscrivent dans des écoles privées, souvent chères et à la qualité aléatoire. Les plus fragiles se découragent, rentrent chez eux et ne font plus rien - les "ni-ni", ni en formation ni en activité , que le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, veut "raccrocher" à l'emploi -, persuadés que l'on voulait d'eux nulle part. 

"Dans l'enquête que nous avons menée auprès de nos 65000 apprentis, plus du tiers (37,8%) répondent que la recherche de leur entreprise a été difficile. Un chiffre en hausse par rapport à nos précédents sondages, souligne Daniel Munoz. C'est un motif d'inquiétude pour l’avenir. Car nos CFA, avec des effectifs en baisse, ont de plus en plus de mal à s'équilibrer financièrement." Le responsable du réseau d'apprentissage du BTP impute le problème avant tout à la situation économique. d'autant que les petites entreprises et les artisans sont largement majoritaires dans ce secteur et qu’ils sont très vulnérable à la conjoncture. "Actuellement, les entreprises n'ont pas de visibilité, explique-t-il. Et le contexte est morose, avec la crainte de perdre encore 40 000 emplois cette année, dont 25 000 salariés et 15 000 intérimaires." 

Il y a aussi les maladresses du gouvernement qui veut réformer le financement de l’apprentissage. En annonçant, le 17 juillet, la suppression d'une aide aux très petites entreprises, il a provoqué un tollé dans le BTP. Depuis, il est revenu sur cette suppression. Mais cela n'a pas rassuré un secteur déjà réticent à prendre des jeunes. 

Exigeant. "Nous ne sommes pas contre une réforme, souligne Daniel Munoz. Mais il faudrait commencer par stabiliser les aides et les rendre lisibles. Les entreprises artisanales ont du mal à voir combien un apprenti va leur coûter, tellement c'est compliqué." Il faudrait aussi, selon lui, "recentrer les aides" sur les CFA et sur les niveaux de base de type CAP. C'est au cœur des débats actuels : le gouvernement estime que la taxe d’apprentissage va trop financer les filières en alternance du supérieur, notamment celles des grandes écoles, et oublie ainsi sa vocation initiale : les formations courtes où les milieux défavorisés sont surreprésentés. 

Toutefois, même passés ces obstacles, tout n'est pas rose dans le monde de l’apprentissage. Engagés dans une filière qu'ils n'ont pas choisie, déstabilisés par l'alternance entre semaines en entreprise et en cours-un rythme exigeant-, ou rebutés par l'accueil de leur tuteur, un nombre non négligeable de jeunes apprentis  abandonnent chaque année. Ils vont alors aussi grossir l'armée de décrocheurs que François Hollande a promis de diviser par deux, l'un des grands enjeux de son quinquennat. 

(1) Le CCCA-BTP, Comité de concertation et de coordination du bâtiment et des   
travaux publics 









dimanche 16 février 2014











      Recrutement : l'essentiel se joue avant     
      l'entretien  Par la rédaction de "Personnel", revue de l'ANDRH 

Si les managers se focalisent davantage sur le sourcing des candidatures et l'entretien, efficacité d'un recrutement passe avant tout par une bonne définition du besoin et de son expression. 
L'avis de Didier Goutman,consultant RH et formateur. 


Pourquoi accorder autant d'importance aux phases amont du recrutement ? 

Parce que, dans l’urgence et l'envie de bien faire, trop de recrutements s'engagent de fait trop vite, sans une idée vivante de qui est réellement recherché ! Trop d'annonces aujourd’hui par exemple décrivent ainsi précisément des fonctions, mais ne qualifient pas clairement des individus pour les tenir. Elles listent - de façon parfois très logique et très complète - des compétences et des qualités requises mais sans réaliser qu'il n'existe sans doute personne en réalité qui puisse les détenir toutes en même temps. Or, si je ne sais pas qui je cherche en amont, d'une façon réaliste . . . je ne saurai pas qui choisir en aval, une fois confronté à des candidats réels, par nature imparfaits. Trop de recrutements ne débouchent  ainsi pas, ou mal ou difficilement, simplement parce que le besoin n'a pas été défini avant d'une façon suffisamment "individualisée".

Ça semble pourtant évident . . . Qu'est-ce qui fait que cette dimension n'est souvent pas ou mal prise en compte ?

L'entreprise - surtout grande - est de culture analytique, et en quête de certitudes. Elle sait ainsi très bien construire des fiches de postes détaillées. Mais elle a ensuite du mal à passer de cette logique de poste - descriptive et rationnelle - à la recherche d'un individu, avec ses qualités, ses limites et ses motivations propres. Et du mal aussi à passer d'une logique raisonnée déductive exhaustive - qui est celle du processus - à une logique synthétique et spéculative qui est celle du recrutement. Car le recrutement est par nature un métier synthétique - au final il faudra choisir un individu dans sa globalité au détriment de tous les autres -, et un métier spéculatif, parce qu'il y a toujours une prise de risque, un pari, sur des bases d'informations toujours partielles.

Comment faire concrètement pour être ainsi plus juste et plus efficace ?

C'est simple . . . au moins en principe. S'il est normal en effet de commencer la réflexion par la prise en compte d'une fiche de poste détaillée, la fiche de poste en elle-même ne saurait constituer le brief du recruteur. Il y a une phase d'élaboration à réaliser entre les deux, pour passer d'une définition " à plat " . . . au portrait potentiel d'un individu réel ! Et cette étape suppose d'abord de se construire une vision cette fois  synthétique du poste autour d'un nombre limité de missions majeures. Puis d'élaborer du candidat recherché une vision également réaliste autour d'un ensemble réduit de qualités et de compétences clés associées. Tant qu'on n'a pas fait ce travail de "réduction" logique, on reste encore à un niveau trop théorique pour concerner quelqu’un en particulier. Pendant tout le recrutement lui-même, il faut pouvoir se concentrer sur l'essentiel en effet, et donc distinguer clairement en amont les items majeurs de ceux qui ne le sont pas. 

Mais pourquoi est-ce si important au fond ?  

D'abord parce que seule une vision synthétique de qui je cherche, permet une approche, une comparaison un choix raisonné. Quand les critères de recherche sont trop nombreux, ils sont trop flous. L'évaluation des candidats devient alors très complexe pour le recruteur (évaluer deux qualités clés en une heure chez un individu, c'est relativement facile, six ou huit c'est improbable), leur comparaison presque impossible, les décisions donc d'autant plus difficile à prendre et à justifier. Surtout dans des logiques collectives où les intervenants de la décision sont souvent nombreux. Ensuite parce que seule une vision synthétique - autour de quelques compétences ou qualités majeures indispensables - va laisser la place suffisante à la "spéculation" nécessaire à tout recrutement. Le candidat parfait en effet n'existe jamais. Tout recruteur sait qu'il va donc devoir composer avec une réalité limitée, et choisir entre des individus qui n'auront jamais toutes les qualités requises (et dont on attend en plus qu'ils soient motivés et pas trop exigeants en termes de rémunération). C'est pourquoi la vision de ce qui est essentiel est clé pour imaginer ce qui pourra être à partir de ce qui n'est pas encore . . . mais sur des bases pourtant réalistes.

Et pour quelles autres raisons ?

Enfin - et sur un autre plan - je crois que c'est aussi la seule façon d'être réellement non discriminant dans ses approches. Imaginons par exemple que je cherche un candidat à la fois très rigoureux et véritablement capable de coopération - et les deux qualités ensemble ne sont déjà pas si fréquentes . . . Si ce sont ces deux qualités réunies qui guident mon approche du recrutement concerné alors peu m'importe que le candidat correspondant soit plus jeune ou plus âgé, un homme ou un femme, d'origine française ou étrangère, handicapé ou non ? 

Par contre si je cherche un candidat à la fois capable d’analyse et de synthèse, de rigueur et de transversalité, d'autonomie et de goût du reporting, de qualité de rédaction et d'expression orale, de créativité et de leadership, comme je ne le trouverai jamais . . . comment vais-je choisir au final ? Le risque est que je me réfugie dans une vision prudemment conventionnelle du candidat convenable, selon les critères culturels en vigueur . . . 

Ce qui est vrai de recrutements externes l'est-il aussi quand il s'agit de mobilité interne ? 

Oui, et c'est même sans doute plus important encore ! Car plus un poste est exprimé en une longue suite d’exigences impératives factuelles a priori . . . moins il ouvre de possibilités d’accès à ceux qui n'ont pas déjà tenu un emploi équivalent. Alors qu'une approche plus synthétique, une vision plus ouverte autour de quelques items clés permet bien  d'être plus spéculatif, et donc - pourquoi pas - d'offrir dans de bonnes conditions une vraie chance de progrès à qui n'a pas encore fait le job mais pourrait parfaitement y satisfaire . . . Au final, en effet, bien recruter, c'est aussi toujours donner une chance à celui que l'on recrute. Une chance d'innover, de se confronter à ce qu'il ne connaît pas encore, de découvrir d'autres possibilités, d'autres difficultés, d'autres leviers de progrès. Plus on va ouvrir ainsi de portes en amont, plus on va donner de chances à des collaborateurs impliqués d'évoluer . . . et mieux on pourra les motiver sur la durée. La performance collective ne suppose-t-elle pas en effet que chacun puisse trouver durablement une place individuelle qui soit vraiment la sienne ? Où il puisse s'épanouir et s'affirmer . . . au service de tous. 

Didier Goutman est consultant en communication et en ressource humaines depuis près de 20 ans, après une carrière de manager, en agence de communication notamment. Il intervient ainsi régulièrement en recrutement auprès de PME (conseil ou missions), mais aussi en formation au recrutement dans des entreprises importantes (formation des managers ou des équipes RH). Il accompagne également des cadres dans la définition de leurs projets professionnels et leurs propres recherches d'emploi.

Il est enfin le co-auteur - avec Juliette Allais, psychothérapeute - de "Trouver sa place au travail" paru aux éditions Eyrolles en janvier 2012. 



 

samedi 15 février 2014

lundi 10 février 2014









Réforme de la formation professionnelle : pourquoi nous sommes encore loin du compte 


La formation professionnelle en France coûte trop cher et n'est pas assez efficace, c'est pourquoi le gouvernement entend déposer un projet de loi pour la réformer dès la fin de l'année. Le chantier est vaste, car il porte à la fois sur le financement du dialogue social et sur la réorganisation de l'ensemble du système.

Atlantico : Le gouvernement entend déposer un projet de loi pour réformer la formation professionnelle avant la fin de l'année. A cette fin, il a adressé une feuille de route aux partenaires sociaux, les invitant à engager une négociation interprofessionnelle à ce sujet. Dans "Réformer vraiment la formation professionnelle", coécrit avec Jacques Barthélémy, vous rappelez que les partenaires sociaux trouvent là une de leurs sources de financement. Cette donnée peut-elle nuire à la formulation de propositions constructives ? Pourquoi ?
Gilbert Cette : Nous ne mettons pas en doute la volonté des partenaires sociaux. On jugera cette dernière après, en fonction des résultats. Nous soulignons la difficulté du projet. Mais difficile ne veut pas dire impossible. Cette négociation est compliquée en raison, entre autres, des contributions significatives de la formation professionnelle au financement des partenaires sociaux. Mais on a vu avec l'Accord pour un nouveau modèle économique et social du 11 janvier 2013 que les difficultés pouvaient être surmontées.


Il est clair que le financement des partenaires sociaux pose problème, au sens où il faut qu'il soit transparent, soutenable, équilibré, et, surtout, totalement indépendant du fonctionnement de la formation professionnelle. N'oublions pas que le rôle de la formation professionnelle consiste à qualifier ou requalifier des personnes en âge de travailler. Cela ne devrait pas être associé au financement des partenaires sociaux. Ce rôle actuel de financement peut être un obstacle au bon fonctionnement de la formation professionnelle. Il faut régler simultanément le problème du financement du dialogue social sur des bases saines, et la question de la réforme de la formation professionnelle afin de la rendre beaucoup plus efficace.

Vous rappelez en introduction de votre dossier que le Code du Travail énonce que "la formation professionnelle tout au long de la vie constitue une obligation nationale", qui vise à favoriser l'évolution professionnelle de chacun, indépendamment de son statut. Pour satisfaire cet objectif de quelles entraves faudrait-il selon vous débarrasser le système actuel ? Quelles sont les priorités ?

La priorité est de transformer la formation professionnelle, pour qu'elle ne soit plus organisée autour d'une obligation à payer des entreprises, qui amène parfois à vouloir satisfaire cette obligation plutôt que d'essayer de satisfaire la fonction initiale consistant à augmenter et former les compétences professionnelles des personnes. 

Les résultats sont bien connus : ce sont les personnes qui sont déjà les mieux formées qui en profitent le plus, et non celles qui en auraient le plus besoin, cela aboutit aussi à une inefficacité de la formation professionnelle. Pour preuve, la longueur moyenne des formations est allée en diminuant sur les trois dernières décennies, alors même que le nombre de formations, lui, a augmenté. Le manque de profondeur des formations peut être un obstacle aux besoins de qualification et de requalifications des personnes. 

On voit bien que le financement n'est qu'une difficulté parmi d'autres : même si celle-ci n'existait pas, la charge resterait de toute façon ardue, compte tenu de l'organisation actuelle, qui se fait autour de l'obligation à payer, et non autour de la recherche du meilleur résultat en termes de formation des personnes qui en ont le plus besoin.

Le Gouvernement a-t-il pris acte de ces nécessités ? Son projet de loi risque-t-il de devenir une "mesurette" comme tant d'autres dès lors qu'il est question de réforme professionnelle ? 

On ne peut pas faire au gouvernement, pour le moment, le procès d'une quelconque mauvaise volonté. Conformément à la loi Larcher du 31 janvier 2007, il a demandé aux partenaires sociaux de formuler des propositions, sur leur propre financement, est sur la formation professionnelle. La démarche est pour l'instant empreinte de logique et de légitimité. On a vu l'an dernier que les partenaires sociaux étaient capables d’aboutir à des accords ambitieux, donc attendons le résultat de cette négociation. Si cette dernière réussit sur les deux point évoqués, tant mieux. Autrement il reviendra au Gouvernement de conduire lui-même la réforme.

Dans tous les cas de figures, vouloir réformer simultanément le financement du dialogue social et la formation professionnelle est tellement ambitieux que la négociation ne peut pas aboutir à quelque chose de finalisé. Les formulations devront être déclinées au cours de négociations ultérieurs. Deux mois ne suffiront pas à aboutir une réponse complète à un problème aussi complexe. Le projet de loi qui doit être déposé à la fin de l’année ne sera pas le point d'aboutissement.

Que doit faire le Gouvernement pour éviter tout écueil ? Quelle marche à suivre préconisez-vous ?

Il faut laisser les partenaires négocier, leur faire confiance et espérer que cela n'aboutira pas à une approche de type "tuyauterie", dans laquelle on se contenterait d'élargir les dépense de formation au bénéfice des chômeurs et des personnes les moins qualifiées. Se contenter d'annoncer une hausse de ces dépenses en mettant à contribution les entreprises, là serait l'échec. Il faut réorganiser le système dans son ensemble. Mais nous n’en sommes pas là, pour l'instant la démarche retenue est la bonne, et le succès peut être au rendez-vous.

Gilbert Cette est professeur d'économie à l'Université d'Aix-Marseille. Il est l'auteur, avec Jacques Barthélémy, de Réformer vraiment la formation professionnelle, publié par le think tank l'Institut de l’Entreprise.

Propos recueillis par Gilles Boutin

 

samedi 8 février 2014










Précarité , sous-emploi , stages abusifs...les jeunes , victimes de la course à l'emploi

par Marc MAHUZIER 


Ce bateau-là est une galère qui prend l'eau de toutes parts. Être jeune aujourd'hui et vouloir entrer dans le monde du travail, c'est s’exposer au risque de la double peine :le chômage, puis la précarité, dans près d'un cas sur deux. Car si l'on parvient à échapper à Pôle emploi, c'est souvent en se bradant. Stages abusifs, CDD à répétition, intérim mité comme un vieux tapis, poste déclassé . . .Comment croire après ça ceux qui prétendent que le plus bel atout de la France est sa jeunesse ?

Dans un avis rendu en fin d'année dernière et resté sans suite, le Conseil économique et social et environnemental (CESE), qui ne rassemble pas que des guévaristes, mettait en alerte : " La situation des jeunes sur le marché du travail, tant en ce qui concerne leurs difficultés d'accès à l'emploi que la nature même de cet emploi, est préoccupante."

S'il a été embauché en CDD, il suffit de ne pas renouveler pour s'en séparer. S'il est en CDI, sa faible ancienneté rendra son licenciement peu onéreux. Au premier trimestre 2012, 22.4% des jeunes actifs pointaient au chômage, contre 9.6% de la population (depuis, ça a grimpé).

Garçons et filles sont logés à la même enseigne. Mais malheur à ceux qui n'ont pas fait d'études ! " 44% de ceux ayant, au plus, un brevet des collèges connaissent une insertion dans l'emploi particulièrement lente et difficile", note le rapport du CES. Ce taux est de 27% pour les titulaires d'un CAP ou BEP, de 18% pour les bacheliers, et de 10% pour les diplômes du supérieur.

Les études, pas un sésame
" Un à quatre ans après la fin des études, la probabilité d'être au chômage pour un jeune peu ou pas diplômé est sept fois supérieure à celle d'un diplômé du supérieurs." Les études ne sont pas un sésame. Mais avoir fait l'impasse s'avère une circonstance aggravante. Qui pèse surtout sur les enfants d'ouvriers, les moins diplômés.

Quand, par chance, on trouve un travail, il faut voir, bien souvent, dans quelles conditions ! Les témoignages sont édifiants. Au démarrage de la vie professionnelle, le CDI a la rareté de l'huître perlière. Il est pourtant la norme dans le monde du travail (80% des contrats). Pour les plus heureux, ce sera un CDD que l'employeur utilise comme une longue période d'essai et qui débouchera sur un CDI. 

Mais, pour beaucoup, c'est la navigation à vue entre petits boulots, intérims, stages ou emplois très en dessous de leur qualification. " La crise actuelle renforce le clivage entre insiders, bénéficiant d’emplois pérennes, et outsiders, alternant contrats précaires et chômage", constate le CESE. En 2008, un jeune sur cinq vivait sous le seuil de pauvreté. Depuis, la situation a empiré. 

France et Allemagne présentent, aujourd'hui, leur new deal contre le chômage des jeunes.

" Le jeune est une variable d'ajustement" 
Trois questions à Françoise Geng. Présidente de la section du travail et de l’emploi au Conseil économique, social et environnemental.

La situation est à ce point alarmante ?  

Oui, réellement inquiétante. Les jeunes s'insèrent de moins en moins bien, et de moins en moins durablement. depuis une dizaine d'années, les difficultés se concentrent sur l'accès au premier emploi, avec des allers-retours qui ne cessent d’augmenter entre le chômage et l'entreprise. Il est devenu très difficile d'obtenir un poste stable. "Dernier arrivé, premier parti. " En période de crise, les 15-24 ans sont perçus comme une "variable d'ajustement". Quand il faut licencier, c'est eux qui partent. Cela vaut aussi pour l'intérim, dont les postes sont essentiellement occupés par des jeunes. 

Et les "stages abusif "?

C'est un problème difficile à appréhender parce qu'on manque de matière statistique. Tous, autour de nous, nous connaissons des jeunes qui, sous couvert de stage, occupent un vrai poste de travail. Mais c'est extrêmement difficile de le faire admettre par les employeurs. Pour eux, il y a un effet d'aubaine avec une main-d’œuvre très bon marché et inépuisable. Dans les services, certaines entreprises fonctionnent avec 50%  de stagiaires. Une loi est censée encadrer les stages pour limiter les abus, mais elle n'est pas appliquée de façon efficace. En temps de crise, le politique ne veut pas alourdir les difficultés des entreprises. 

Pour les sans-diplômes c'est pire . . . .

Avec un bon bagage, on a davantage d'opportunités. Les jeunes sans diplôme sont sur des emplois plus fragiles, les premiers supprimés car les moins indispensables à l’entreprise. Pourtant, les employeurs continuent à dire qu'ils préfèrent les compétence aux diplômes.  


Votre avis nous intéresse : CDD ou Intérim , quand pensez-vous ? 

 


 

mercredi 5 février 2014










Ces entreprises qui ne veulent plus recruter 
en alternance . 
Sandrine Chesnel

Qu'est-ce qui explique que certaines entreprises ne souhaitent pas, ou plus, s'investir dans les formations en alternance ? C'est la question qu'EducPros a posée aux développeurs de apprentissage. Il en ressort un kaléidoscope de justifications, parmi lesquelles le manque d’apprentis sérieux et motivés mais aussi la crise économique. 

Crise, manque de temps et de personnel, mauvaise expérience : voilà quelles seraient donc les raisons avancées par les entreprises, petites ou grandes, qui ne font pas ou plus d'alternance. Un argumentaire qu'il n'a pas été possible de vérifier auprès des recruteurs puisque nous n'avons pas trouvé d'entreprise qui accepte de témoigner sur son absence de recrutement en alternance . . .  Alors que l'actualité apporte chaque semaine son lot d'entreprises qui ferment, avouer qu'on ne recrute pas ou plus en alternance serait-il politiquement incorrect ?

Les chiffres de la DARES (Direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques) confirment en tout cas la frilosité des entreprises. Sur l'année 2012, le nombre de nouveaux contrats s'est établi à 456.052, contre 468.229 en 2011, soit une baisse de -2,6% de contrats confondus.

UNE MAUVAISE EXPÉRIENCE FATALE

" Une mauvaise expérience avec un apprenti, et c'est une entreprise qui ne veut plus entendre parler de formation en alternance pendant quelques années . . .". Pour Nathalie Charvet, coordinatrice emploi à l'AFT-IFTIM, c'est l'évidence : quand une entreprise ne veut plus recruter en alternance, c'est souvent parce qu'elle a eu à faire à un alternant trop dilettante ou pas suffisamment motivé. " C'est un argument que nous entendons nous aussi", confirme Estelle Bossé, chargée des relations entreprises dans l'Essonne pour la CCI Paris Ile de France. " Les recruteurs dénoncent le profil "zappeur" de certaines entreprises -notamment les plus petites-, dans lesquelles le fait de prendre un apprenti a un impact indéniable sur le rendement du salarié qui aura en charge le jeune, parce qu'il doit y consacrer du temps qui n'est pas directement "rentable".

                              Les recruteurs dénoncent le profil "zappeur" de
                              certains jeunes d'aujourd'hui, leur manque 
                              d'investissement. (E. Bossé)

LE TEMPS, C'EST DE L'ARGENT

Le manque de temps et son corollaire,le manque de professionnels disponibles pour encadrer les jeunes alternants, voilà deux autres raisons qui expliquent pourquoi certaines entreprises ne vont pas ou plus recruter en alternance. "Accueillir un apprenti suppose un investissement en argent, mais aussi en temps, rappelle Rachid Hanifi, chef du département Formation et compétences de la CCI de Paris Ile de France. Dans les grands groupes adeptes de l'alternance, c'est une démarche naturelle. Dans les plus petites entreprises c'est plus compliqué". 

Il faut prévoir du temps pour encadrer et accompagner le jeune, mais aussi du temps pour former le futur maître d'apprentissage, et aussi, avant même que le jeune soit dans l'entreprise, du temps pour le recruter. C'est ce coût en temps qui explique que certaines entreprises " s'exonèrent" des alternants comme l'explique Estelle Bossé : " Elles font la balance entre le coût de l'encadrement et le montant de la pénalité à payer si elles n'atteignent pas leur quota d’apprenti. Et parfois arrivent à la conclusion qu'il est plus intéressant pour elles de payer une plus grosse pénalité. 

Dans le cas des entreprises artisanales, le départ à la retraire du maître d'apprentissage "habituel", ou la reprise de l'entreprise par un "jeune" qui n'a pas cette culture de l'alternance peuvent aussi expliquer un désinvestissement de l'entreprise de ce mode de formation. 

LA LOURDEUR ADMINISTRATIVE, UNE FAUSSE EXCUSE ? 

Autre argument qui revient souvent aux oreilles des développeurs de l'alternance : la lourdeur organisationnelle et administrative liée à l'embauche d'un apprenti. "On peut les comprendre, justifie Stéphane Gouret, directeur du CFA de l'école du design, à Nantes. Quand une entreprise n'a jamais formé en alternance, elle peut être effrayée par la procédure pour qualifier le maître d'apprentissage, ou par les pièces qu'elles pensent avoir à fournir pour enregistrer le contrat". "Une fausse excuse" tranche Rachid Hanifi, pour qui le système d'enregistrement des contras a été considérablement simplifié ces dernières années : "L'enregistrement en ligne simplifie la vie des petites entreprises qui n'ont pas de vrai service des ressources humaines. Et surtout les responsables d'entreprise doivent savoir qu'ils peuvent contacter les chambres de commerce et d’industrie, ou les chambres de métiers, pour les guider pas à pas dans cette démarche". 

" C'EST LA CRISE "

Reste un argument que les jeunes à la recherche d'un contrat en alternance et les développeurs de l'apprentissage ont bien du mal à contrer : celui de l'absence de visibilité sur le carnet de commande et sur l’activité de l'entreprise. Un frein d'autant plus fort dans le cas de contrats en alternance longs, de 24 à 36 mois. "C'est vrai, la conjoncture économique actuelle fait que beaucoup d'entreprise ont du mal à s'inscrire dans le long terme" reconnait Rachid Hanifi. La peur de s'engager auprès d’un jeune sans être certain de pouvoir le garder pendant toute la durée du contrat serait d'ailleurs, d'après tous nos témoins, la première raison évoquée par les recruteurs qui ne forment pas en alternance. 




 



lundi 3 février 2014











   DRH , un métier plus risqué qu'il n'y parait

Par Marie-Sophie Ramspacher , journaliste . les Échos Business .

Le DRH orchestre des plans d'économies et de transformation avec des fortunes diverses. Ces missions délicates le placent dans la situation de "fusible" potentiel et bien commode.

Début janvier, le directeur des ressources humaines du site Goodyear d'Amiens Nord a été retenu par des salariés durant trente heures avant d'être libéré sous les huées des ouvriers. Rare mais pas exceptionnel lorsque se joue la fermeture d'un site, cet incident montre que la conduite du mal-nommé PSE (plan de sauvegarde de l’emploi) peut laisser des traces dans la carrière d'un DRH, alors qu'elle contrarie rarement celle du directeur financier.

" Le plan social est une sorte de trahison morale difficile à assumer pour le DRH. Alors qu'il pouvait avoir la confiance des syndicats, subitement, il doit déployer un programme pensé par le siège qui inclut des manœuvres dilatoires",
témoigne François Eyssette. Souvent de lui-même, le DRH tire l’échelle et s'inclut dans le plan . " De confortables indemnités de départ permettent à certains de s'offrir une nouvelle vie", remarque cet ancien DRH. Reste que la conduite d'un plan de départ est émaillé de nombreuses chausse-trapes, a fortiori lorsque le politique et le médiatique s'en mêlent. 

Quand le DRH joue le rôle de fusible

Lorsqu'il est haut placé dans l'organigramme, le DRH sert plus rarement de fusible. Jean-René Buisson, DRH de Danone à l'époque de la fermeture des usines LU, fut nommé la même année secrétaire général du groupe, se voyant ainsi renouveler la confiance d'Antoine Riboud. " Savoir piloter un plan social est une médaille pour cette fonction", éclaire Vanessa Sonigo Rozenbaumas, senior manager chez Robert Walters. " Les bons sortent toujours, car, sur le plan technique, ils sont irréprochables", lâche un consultant qui assiste les directions dans ce type de situation. "Ceux qui se tirent une balle dans le pied sont mauvais."  

Une complicité passive avec la direction

Le mot est lâché, qu'est-ce qu'un mauvais DRH ? Celui qui prend le parti des salariés ou de la pérennité économique ? Unanimes, les DRH refusent d'assumer la posture de défenseur de l’emploi, rappelant le rôle des syndicats. " Nous n'avons pas le pouvoir de créer de l'emploi, encore moins de repousser une restructuration inéluctable. D'ailleurs nous ne sommes pas les représentants des salariées auprès de l'entreprise, nous représentons l'entreprise auprès d'eux, ce qui est foncièrement différent", rappelle fermement José-Maria Aulotte, à la veille de quitter sa fonction de DRH d’Arc International.   

Pour autant, ceux qui ont été remerciés sans ménagement vacillent sur leurs certitudes, tel cet ancien DRH de SSII qui s'interroge sur sa complicité passive : " Certaines entreprises voient la législation du travail comme un obstacle entravant la bonne marche du business. A ce titre, j'ai eu pour mission de contourner la loi, voire de m'en affranchir en "oubliant" le versement de primes obligatoire. Aujourd’hui, j'ignore à quel moment j'aurai pu m'opposer aux injonctions contradictoires", confie ce quadragénaire. 
Conscient d'avoir été instrumentalisé, il se débat désormais avec ses interrogations sur le contenu de la fonction. " L'engrenage est insidieux. L'absence de sécurité de l'emploi fait plier les standards éthiques . . . In fine, on étoffe une dossier de licenciement en pensant aller dans le sens de l'intérêt général, on enterre les sujets de bien-être ou d'égalité dont la direction n'a que faire." 

Les DRH, des arroseurs arrosés ?

Peut-on parler dans ce cas "d'arroseur arrosé" ? " Cette expression sied peu à ces professionnels qui sont rarement à l'origine de la culture maison, contraints au grand écart entre des missions de réduction des coûts et les impératifs du dialogue social", plaide la coach Paule Boury. Tous pourtant confient " avaler des couleuvres" : " Il faut savoir lâcher les causes perdues au profit de quelques combats significatifs", confie une DRH entre deux postes. D'autant que certains voient leurs missions évoluer en cours de mandat : " L'embauche se fait sur un périmètre - l’opérationnel, le stratégique ou les processus - qui s'élargit sans concertation. Subitement, sont exigées des connaissance en "com&ben" [pratiques de rémunération, NDLR] ou en réseaux sociaux, il faut rendre un avis étayé sur une question complexe", témoigne cette autre. " En dehors des DG RH du CAC 40, qui ont les moyens de s'offrir des experts par sujet, un DRH ne peut prétendre tout maîtriser." " Ni respecter le millefeuille aberrant du droit français", ajoute une troisième.  

Reste que pour les grosses pointures aussi, les exigences montent d'un cran : " Il faut réussir à s'imposer auprès de ses équipes et du comex dans un temps raccourci, gérer la pression des résultats financiers, tenir la cadence car le rythme des négociations et des deals s'accélère. " Les faux pas sont potentiellement multiples et tous n'ont pas le mental d'un Jean-Luc Vergne, qui sut jadis tenir tête au PDG d'Elf Aquitaine ou aux frères Peugeot. 

Instabilité managériale et fonction DRH

Les temps se seraient-ils durcis pour les DRH ? " Ni plus ni moins que pour les autres fonctions, si ce n'est que leur départ n'est pas toujours lié à leurs résultats, mais plus souvent à un changement de gouvernance ou à une dégradation du climat, ils deviennent alors la cible idéale", éclaire un consultant. Chez Accor, qui a vu passer quatre DRH depuis 2009, c'est l'instabilité managériale qui explique ces mouvements. A la recherche de la bonne stratégie, le géant mondial a évincé l'été dernier Antoine Recher, alors qu'il menait un plan de départs volontaires. " C'était le mauvais casting au mauvais moment", évalue un connaisseur du groupe. " Le temps et le soutien lui ont manqué pour réussir à s'imposer dans un métier qu'il connaissait mal. " Appelé en 2011 à rejoindre le groupe à la demande de Denis Hennequin, l'ex-Pdg d'Accor lui aussi débarqué, Antoine Recher a pâti de dysfonctionnements internes.  

L'écueil de la transformation

Chez Air France, en 2012, c'est clairement le changement de Pdg qui a entraîné l'exfiltration du DRH, Jean-Claude Cros vers le poste de conseiller social. Peu de temps après son arrivée, Alexandre de Juniac a appelé à ses côtés un ancien de Thales Xavier Broseta. Pour "transformer structurellement Air France" et dénoncer des accords, l’ancien directeur de cabinet de Christine Lagarde avait besoin d'une solide alliance. " Le DRH doit former un couple cohérent et soudé avec le DG sans quoi l'entreprise trébuche", témoigne José-Maria Aulotte, d'autant plus lorsque le DRH assume la posture du coach".

Pour tous, la conduite d'un plan de transformation est un risque intégré. "Il est logique qu'un membre de la direction soit impacté par un changement de cap. Incarner successivement des stratégies différentes ne serait pas crédible", évalue José-Maria Aulotte, qui quitte son poste faute d'embrasser les orientations du nouveau président.

Le tabou des compétences des DRH

Toutes les politiques de transformation n'ont pas la brutalité de celle menée par France Télécom il y a plus de dix ans, mais leur échec ouvre rarement la question des compétences. L'ancien DRH a été mis en cause par l'inspection du travail pour "harcèlement moral" suite à la vague de suicides, mais il n'a jamais été remis en cause sur l'art et la manière de conduire le changement. 
Pour preuve, il dirige toujours une filiale du groupe. 

Écrit par Marie-Sophie Ramspacher, journaliste 
                                                                      Les Échos management 2014