jeudi 30 mai 2013






    Pros / Réforme de la formation continue

Où vont les 32 milliards de la formation professionnelle ?

La ''réforme courageuse" de la formation professionnelle prônée par François Hollande passe par un recentrage des "32 milliards de la formation" sur les demandeurs d'emploi. Quelles sont les composantes de cette manne ? Qui détient ces "milliards" et les dépense ? Décryptage complet avant la conférence sociale des 20 et 21 juin prochains.

Depuis le discours du président de la République, à Blois, le 4 mars 2013, il souffle comme un air de marronnier qui nous renvoie en 2007, à la veille de la précédente réforme conduite sous l'ère de Nicolas Sarkozy. Comme son prédécesseur, François Hollande déplorait alors un système "complexe, cloisonné et inégalitaire" et des fonds importants "qui ne donnent pas toujours les résultats attendus". Il est vrai qu'avec une dépense totale de la nation qui s'élève à 31,5 milliards d'euros, et qui progresse chaque année, il y a de quoi s'étonner des difficultés récurrentes (la formation va aux plus qualifiés, aux hommes, aux salariés des grandes entreprises, le nombre de demandeurs d'emploi formés est en baisse . . .)

Tout pour les chômeurs, la solution ?

Pour autant, la solution est-elle dans le recentrage de ces milliards sur la formation des plus fragiles, au risque de "déshabiller Paul pour habiller Pierre" ? s'inquiètent les partenaires sociaux qui souhaitent préserver leur capacité à former les salariés en poste et ainsi prévenir l'obsolescence des compétences. Radical, l'ancien conseiller de François Mitterrand à l’Élisée, Jacques Atali, suggère dans un entretien aux "Échos" du 16 mai dernier de "consacrer les 31 milliards d'euros aux chômeurs et à eux seuls". 
Plus prudent, le Président de la République à proposé lors de la conférence de presse du 16 mai dernier de redéployer ces crédits "également aux salariés les moins qualifiés,ceux qui n'ont pas accès à la formation dans les entreprises". Ce redéploiement devrait s'effectuer dans le cadre du futur Compte personnel de formation. 

De quoi parle-t-on ?

Mais concrètement, de quels fonds s'agit-il ? Les 31,5 milliards d'euros de dépenses pour la formation professionnelle et l'apprentissage recensée dans le Jaune budgétaire 2013 (soit 1,6% du PIB) offrent-t-ils des marges de manœuvre suffisantes pour atteindre l'objectif gouvernemental de résorption du chômage par la formation ? Ces ressources provenant de diverses sources ne sont-elles pas déjà affectées directement  ou indirectement à la formation des chômeurs (les entreprises via les OPCA versent ainsi 13% de leurs contribution "formation" au FPSPP (Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels, dont 80% des ressources financent des actions pour demandeurs d'emploi) ? 

* Premier constat : ces fonds ne constituent pas un ensemble homogène (entreprises, État, Régions, autres collectivités territoriales, FSE, Unédic, Pôle emploi, Agefiph, ménages), ni un budget global que l’État pourrait seul réduire ou réorienter en fonction de ses priorités, même partagées avec les autres financeurs. Comme l'indique l'expert Jean-Marie Luttringer, cette somme n'est qu'"un simple agrégat statistique" qui ne tient aucun compte de la diversité des taxes, contributions, exonérations de charges et aides publiques qui le composent.
* Trois types de dépenses composent ces "32 milliards" : les dépenses de fonctionnement du coûts des formations achetées sur le marché ou réalisées par les entreprises (61% du total) ; la rémunération des stagiaires (35%) ; les frais d'investissement (1%).
* Les entreprises constituent le principal financeur de la formation professionnelle et de l'apprentissage, avec 41% de la dépense totale : 13,1 milliards d'euros auxquels s'ajoutent environ 2,8 milliards d'euros de taxe d'apprentissage. Cette taxe, dont les circuits de répartition sont tellement entremêlés que même les spécialistes s'y perdent, est dans le collimateur du gouvernement ( réduction du nombre de collecteurs envisagée, recentrage de la taxe sur les apprentis les moins qualifiés . . .)
* Les Régions consacrent 5,1 milliards d'euros à la FPC (38,4%), à l'apprentissage (39,4%) mais aussi à l'accueil, à l'information et à l'orientation (3,2%) ainsi qu'aux formations sanitaires, sociales et artistiques (18,8%).
* L’État consacre 4,7 milliards d'euros à sa politique de formation professionnelle, et principalement au soutien à l'emploi des jeunes (+11% de dépenses en leur faveur en 2010). Les trois fonctions publiques (d’État, territoriale et hospitalière) consacrent 6,2 milliards à la formation de leurs personnels.
* Les autres collectivités territoriales, beaucoup moins impliquées que les régions dans le financement des politiques de FPC (64 millions d'euros), interviennent essentiellement dans la formation de leurs propres agents (2,4 milliards d'euros).
* Les dépenses  de l'Unédic, de Pôle emploi et de l'Agefiph représentent 6% de la dépense globale, avec 1,8 milliards d'euros.
* Les cofinancements du FSE (Fonds social européen) se sont élevés en 2011 à 549 milliards d'euros.
* Les particuliers qui financent eux-mêmes leur formation, dépensent, quant à eux, 1,1 milliards d'euros, soit 4%  de la dépense globale.

L'origine du fantasme . . . le financement des syndicats ? 

Les ressources  de la formation et de l'apprentissage proviennent donc de sources diverses et sont affectées à des publics différents sur la base d'objectifs légitimes pour chaque financeur. Alors d'où vient cette suspicion qui nourrit la classe politique, les médias et les Français eux-mêmes ? De l'enchevêtrement des financements d'une part, et de l'affectation d'une "infime" partie des fonds aux partenaires des OPCA d'autre part. Deux contribution de 0,75% chacune, calculées sur les collectes, sont en effet reversées aux organisations d'employeurs et de salariés créateurs des OPCA, soit directement (50 millions au titre des mandats de gestion), soit indirectement sous la forme de subventions du Fongefor (Fonds de gestion paritaire de la formation professionnelle continue) pour "développer la formation professionnelle" (30 millions versés aux seules organisations représentatives).

Au total, ce sont donc ces 80 millions d'euros qui, bien que contrôlés chaque année par le ministre en charge de la Formation professionnelle (art. R6332-100 et R6332-101 du code de travail), alimentent les soupçons de gabegie, voire de détournements, car l'utilisation de ces ressources manque parfois de transparence. Les partenaires sociaux se déclarent prêts à revoir cette question. "Instaurer un financement d'une autre nature rendra plus facile la réforme de la formation", reconnaît ainsi Christian Janin (CFDT). La conférence sociale des 20 et 21 juin prochains devrait permettre d'en débattre. 

La participation des entreprises
* 2,75% = taux moyen de participation financière des entreprises de plus de 10 salariés (l'obligation légale est de 1,6% de la masse salariale brute) ;
* 42,3% = taux d'accès à la formation dans les entreprises de plus de 10 salariés ;
* < 30 heures = durée moyenne d'une formation par stagiaire ;
* 24,23% = total des rémunératons des salariés formés (en augmentation). Poste de dépenses le plus important avec les versements aux OPCA (48,1%) ;
La collecte des OPCA
* 20 OPCA, auxquels s'ajoutent 28 organismes uniquement collecteurs de la contribution CIF qui gèrent 6,4 milliards d'euros versés par tous les employeurs du privé ; 
* 144 OCTA (organismes collecteurs de la taxe d'apprentissage).

Valérie Grasset-Morel 
Mai 201 
 
 

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