dimanche 27 janvier 2013










                      Rien n'irait plus dans le 
                      recrutement des jeunes 

Selon le cabinet de conseil Menway, le recrutement français fonctionne sur un paradoxe. Les jeunes sont embauchés sur diplôme alors même que les études sont jugées comme inadaptées au marché du travail . . . 
" A la demande des entreprises, nous instaurons depuis 2 ans, dans le processus de recrutement des jeunes, des tests sur les fondamentaux de la connaissance, la grammaire, le calcul, ou sur la logique. En d'autres termes : les jeunes qui sortent de deux années d'études post-bac, qui viennent d'être diplômés, doivent repasser des examens pour s'assurer de leurs compétences", souligne, un brin étonnée, Corinne Cabanne, en charge de la région Sud-Ouest au sein du cabinet de recrutement spécialiste en hautes technologies, Menway. La conférence organisée par le cabinet débute avec ce paradoxe. Certes, pour trouver un travail, le jeune diplômé devra posséder un diplôme, sésame qui ouvre la porte aux candidatures. Mais ce même diplôme est jugé peu sûr. Il faut repasser par derrière. Chacun en prend note mais continue à marcher sur la tête. 

Un enseignement classique inadapté.

D'après le baromètre Ipsos pour le Secours populaire, publié en septembre dernier, un jeune sur deux doute que les études garantissent une insertion plus facile dans le monde du travail. Ils sont plus d'un sur cinq (21%) à penser qu'ils ont une formation en décalage avec les besoins des entreprises, selon l'étude Quatre vents, de juin dernier. Les chefs d'entreprises sont tout aussi méfiants. Les 4/5  d'entre eux, d'après une enquête menée par l'Afpa et BVA, jugent l'enseignement classique totalement inadapté au monde du travail.
La formation professionnelle s'en tire mieux, du moins en théorie. Elle est considérée, par la majorité des patrons et des jeunes, comme le plus sûr chemin vers l'emploi. En pratique, l'axiome se dérobe. D'après le cabinet Menway, 1/4  des apprentis interrompent leurs contrats en cours des premiers mois de formation. Et pour ceux qui vont jusqu'au bout - ils décrochent alors le fameux diplôme -, "soit ils ne sont pas embauché, beaucoup vont aussi voir ailleurs, et les entreprises déçues jurent qu'on ne les reprendra plus", constate, amère, Catherine Dervaux, responsable de l’Agence Paris du cabinet Menway.

Plusieurs raisons seraient, selon le cabinet, à l'origine de cet échec. Mais toutes pointes les lacunes de la formation. Lorsque Menway interroge ses clients, beaucoup de DRH jugent que les profils bac+2 qui leur sont proposés arrivent aux entretiens comme des touristes. "La plupart des jeunes à Bac+2 que nous accueillons arrivent en entretien sans connaître l'historique, la stratégie de l'entreprise à laquelle ils postulent. Personne ne leur apprend au cours de leur cursus à savoir se vendre, à démarcher une entreprise. Ils arrivent sans avoir connaissance des codes du monde du travail", analyse Corinne Cabannes. Pas sûr que les jeunes d'hier savaient parler couramment la langue de l'entreprise. "Mais aujourd'hui les entreprises sont beaucoup plus exigeantes" poursuit-elle.
Et les jeunes aussi sont plus exigeants, d'après l'enquête menée par le cabinet de recrutement auprès de 4 000 jeunes diplômés d'un Bac+2 ou 3 dans les filières ayant trait à l'énergie ou l'aéronautique. Le choc est brutal pour ceux qui ont rêvé d'un métier tant vanté lors de la formation.  "C'est une grande déception parce que nous ne retrouvons pas le métier que l'on croyait exercer, nous n'avons pas le retour attendu en termes de rémunération. On attend plus de dialogue et moins d'autorité comme à la maison", témoigne un de ces jeunes.

Les mêmes diplômes 
Autre grief reproché à la génération Y : ils ne maîtrisent pas assez leur langue maternelle. Problèmes de syntaxe, fautes d'expression. "Nous assistons ici à un autre problème, les entreprises continuent à embaucher sur les même diplômes depuis 20 ans. Sauf, que ces diplômes, pendant ce même laps de temps, ont évolué. Dans certaines formations alors qu'hier 6 heures hebdomadaires étaient consacrées à l'enseignement du français, aujourd'hui seulement 2 heures lui sont dédiés. Nous devons beaucoup travailler pour les convaicre d'élargir leurs critères d'embauche, d'aller voir d'autres formations qu'ils ne connaissent pas", analyse Menway.
Les entreprises ne se sont pas non plus mise à la page de la nouvelle organisation des diplômes. Avec la réforme LMD, le Bac+3 devient dans le monde de l'enseignement supérieur le premier échelon à atteindre. Dans le monde de l'entreprise, l'on est resté bloquer à Bac+2. Effet pervers. D'après les grilles de salaires, un Bac+3 est mieux rémunéré qu'un  Bac+2. Du coup, le Bac+3 arrive en entreprise, pris en charge par un Bac+2 avec un an d'expérience dans l'entreprise au compteur qui lui montre les ficelles des métiers. Sorte de supérier, mais qui est moins bien payé. Pour éviter les conflits, et susciter la jalousie, les DRH ont trouvé la solution : "ils ne recrutent pas de Bac+3. Il faut soit avoir un bac+2 ou un master. Je me rappelle le cas de cette jeune fille qui cherchait un emploi depuis 2 ans. Lasse de ses précédents échecs, elle avait masqué dans son CV sa licence, pour se présenter comme un Bac+2. A l'entretien, elle s'est emmêlé les pinceaux, et le DRH a rapidement découvert le subterfuge. Il la éconduit", se remémore Corinne Cabannes.

"Ce n'est pas à nous de former les jeunes"
Préférer un Bac+2 à une licence, refaire passer à un jeune fraîchement diplômé une batterie de tests, ou encore une formation qui vend du rêve au lieu de décrire la réalité. Le constat est le même : l'enseignement supérieur en France est très insatisfaisant, d'après Menway. Et pourtant ce diplôme dévalué reste le meilleur moyen d'insertion sur le marché du travail. Peu d'entreprises prennent le risque d'embaucher un jeune sans diplôme. Il faudrait d'autant plus le former. "Elles nous répondent que ce n'est pas leur job, c'est du ressort de l'Education nationale", relate Catherine Dervaux. Et d'ailleurs quand elles ont l'obligation de le faire, nombreuses sont celles qui font le minimum syndical. Alors même que 80% des apprentis sont en contrat dans des très petites entreprises (moins de 9 personnes), ces dernières n'ont en général aucune politique de formation vis-à-vis des jeunes. Pas le temps, ni de moyens.

                                                                                      Lucile Chevalier 

publié par Emploi-Pro , le 15/03/11
   


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